Chronique (2023)

Incivilités – malveillance
Et j’en passe…
Train PORO de 14h09 au départ de La Verrière, à destination de Paris Montparnasse, et train ROPO de 18h35 au départ de Paris Montparnasse, à destination de Rambouillet, dimanche 1
er octobre 2023
C’est à une succession d’éléments perturbateurs sans gravité que je suis « confronté » ce jour, témoin ordinaire d’un savoir-être en déliquescence, qualificatif caractéristique d’espaces et de franges non négligeables de notre société fragilisée de toutes parts.
A l’aller, un premier individu se présente aux usagers tranquillement installés en mendiant. Par simple retour de politesse en l’écoutant se présenter aux uns et aux autres dans sa progression, mon salut est cependant d’une neutralité parfaite ; il me sollicite alors directement en me tutoyant : « Si j’avais, je te donnerais. », lui dis-je froidement, désagréablement importuné par ce type de mendicité (situation similaire ensuite bien que sans intervention de ma part dans le métro parisien ; deux lignes, un mendiant par segment de parcours…).
En guise de parenthèse plus urbaine que transports mais non sans lien, une rapide contextualisation de mon arrivée place de la République à Paris en ce milieu d’après-midi alors que je rends visite à de la famille : cherchant à retrouver mes repères, guettant le nom des rues en étoile depuis la place (l’adresse où je dois me rendre m’est inconnue), je suis saisi par le monde et l’agitation : d’un côté un énième rassemblement contrant ou soutenant je ne sais quelle cause au centre de la place, de l’autre un individu gesticulant et gueulant dans la rue, provoquant quelques membres de forces de l’ordre postés en attente, ici un matelas à même le sol, là du bruit et des odeurs… Mon déplacement jusqu’ici me fatigue déjà et me tend nerveusement.
Au retour, c’est à Saint-Quentin en Yvelines que monte un trio de jeunes gens composé d’un garçon, plutôt calme, et de deux filles, l’une munie d’une béquille et manquant de chuter en s’installant, toutes deux nettement plus agitées et vulgaires. Je suis à l’opposé de la voiture mais j’entends assez parfaitement ce qui se dit et note le niveau de langage particulièrement familier des donzelles, s’exprimant bien mal, de vive voix comme par téléphone, livrant un champ lexical de bas étage et bien galvaudé dans la catégorie des « J’m’en bats les couilles », quand bien même dépourvues de ces « attributs » (« Wouallah », « wesh », et j’en passe…). Le spectacle est affligeant de familiarité, de niaiserie et de débilité profonde. Certains s’en retourneraient dans leurs tombes.
La demoiselle à béquille et son gars descendront à Trappes, laissant leur complice seule pour la suite du parcours, qui retrouvera fort heureusement le calme escompté, et je serai bien content de rentrer, après un temps de trajet aller-retour malheureusement au moins égal au temps passé en famille…

Emprises & dépendances – divers – voyageurs
Conversation au Fil Du Trajet
Gare de Mouchard, et TGV Lyria n°9264 de 08h45 au départ de Mouchard, à destination de Paris Gare de Lyon, mercredi 06 septembre 2023
Arrivant en gare quelques minutes avant le départ du TGV Lyria repéré plus tôt, je m’adresse au guichet pour retirer mon billet retour. La démarche est osée, au vu du peu de temps dont je dispose, mais ma réservation serait forcément plus rapide par ce biais que via le site internet de l’opérateur…qui plus est facteur de crispation, dans mon cas. Le préposé me renvoie poliment vers l’automate, le guichet n’étant pas ouvert à cette heure ce jour, sa mission à ce moment précis relevant exclusivement de l’accueil… Sur la borne libre service, un numéro de téléphone mobile m’est demandé pour finaliser ma commande ; classique. A mon habitude, je contourne efficacement le système en tapant une suite de zéros derrière l’indicatif en 06 ou 07 (au choix selon l’humeur) pour éditer mon billet (format ticket de caisse) ; ce que les machines peuvent être sottes…
Une fois à bord, je m’installe à ma place (encore un carré de sièges…), à l’étage d’une voiture en seconde classe. Plus tard, un homme s’installe à ma droite, et ce n’est qu’au moment du contrôle des billets qu’il engage la conversation. Il ne tarde pas à décliner son identité cheminote, agent caténaire de la région, encarté CFDT, qui dans ce cadre doit se rendre à Paris pour la journée ; j’avais bien déjà repéré des documents estampillés SNCF en pied de page des feuilles qu’il tournait depuis son placement à côté de moi… L’homme n’est pas des plus discrets (il module peu sa voix compte tenu du silence ambiant), mais ce voyage nous permet d’aborder divers sujets autour de son métier, des coups de frayeur liés aux risques électriques et de l’évolution des procédures dans les demandes de protection des travaux ; de quoi faire passer le trajet plus vite. Je m’amuse par moments à observer la jeune femme présente depuis le début en quinconce face à moi, qui semble siester, préférant probablement la dimension onirique de ses songes à la dimension professionnelle de nos sujets bassement ferroviaires.

Emprises & dépendances – divers – voyageurs
Virée jurassienne ou l’étoile de Champagnole
Au fil de la ligne d’Andelot à La Cluse (section Andelot – Oyonnax), de l’ancienne ligne de Champagnole à Lons le Saunier (section Champagnole – Crotenay), et abords de Champagnole (SNCF et tacot), septembre 2023
Un nouveau séjour dans le secteur, propice à arpenter les abords d’emprises ferroviaires jurassiennes, exploitées comme désuètes. L’itinéraire commence par les emprises de la gare de Vers en Montagne, modeste bâtiment voyageurs devenu habitation privée, dont le contournement donne sur un abri défraîchi à même le quai, celui-ci recouvert d’une herbe éparse. La gare n’est plus desservie, mais l’édicule demeure, accompagné de son lampadaire à crosse courbe, inclinant son regard en direction de la vaillante pancarte érigée sur un mât en ciment, portant encore en clair en lettres bleues sur fond blanc le nom du point d’arrêt. La lumière du jour est belle et claire, propice à la photographie. Le calme accompagne l’errance en ces lieux. Cette escapade amène à rencontrer le voisin d’en-face, dont le potager attire l’œil. La conversation s’engage alors et au fil de l’échange, l’homme finit par décliner son identité d’ancien cheminot des télécoms, détail forcément plaisant pour moi à cet instant précis.

terrain
Gare de Vers en Montagne, vue vers Andelot (Jura) Septembre 2023

Dans la continuité inverse en remontant la ligne à distance depuis un chemin, une maison aux volets bleus et couverte de plaques de taule ressort discrètement du paysage forestier, dans l’espace d’une clairière aménagée exprès pour l’y placer, de l’autre côté de la voie. Un premier regard à la hâte laisserait d’abord penser à une maison forestière ou une maison de chasse comme il arrive d’en trouver, mais la disposition de la maison, perpendiculaire à la voie, sa taille, et la présence d’un puits dans l’enceinte de la petite bâtisse, à proximité immédiate de la ligne, face au repère du point kilométrique 5, correspond bien plus à une maison de passage à niveau. Si le P.N. n’est plus, l’intrigue poussant à aller à sa rencontre est naturellement alimentée par le charme de l’endroit, et l’absence apparente d’accès, d’un côté comme de l’autre de la voie (après recherches cartographiques et orientation intuitive sur place le jour J, une excursion plus poussée quelques jours plus tard permettra de l’approcher plus nettement et de pénétrer dans l’enceinte).

Dans la continuité logique du jour exploratoire des abords de l’ancienne maison de P.N., c’est la gare de Champagnole qui m’accueille sous une lumière rosée d’un coucher de soleil sucré. Mais l’entrée de l’ancien bâtiment annexe du Sernam, jouxtant l’ancienne halle à marchandises, déjà peu accueillante, fait apparaître des graffitis peu élogieux, rappelant que les dégradations ne sont pas l’apanage des basses zones urbaines de métropoles enlaidies. Et bien qu’encore en début de soirée, l’entrée du bâtiment voyageurs est fermée, une petite pancarte placardée sur un mur de façade précise d’ailleurs la Maison de la Presse où acheter ses billets TER (sic), mention occultant sans gêne la fonction normalement attendue d’une gare et d’un accueil/guichet.
Sur la façade côté voies, une plaque mentionnant le bureau de l’agent circulation est visible sur la porte verte d’entrée du local, tous feux éteints derrière le vitrage, celui-ci laissant discrètement apparaître l’affichette de circonstance relative au dispositif Vigipirate et le risque attentat, rappelant le contexte trouble et persistant de notre temps. Y a-t-il à cette heure un agent en ces murs ? Mes sources rapportent un poste (électro)mécanique d’aiguillage indépendant, mais le bureau de l’AC est malgré tout identifié depuis le quai ; soit. Par ailleurs, la poursuite de la « modernisation » du réseau en région, avec notamment la mise en service en octobre 2022 des postes d’aiguillage informatisés d’Arc et Senans, Grand Contour et Chatelay Chissey, tous contrôlés depuis la commande centralisée de Dijon, ne peut qu’inviter tristement à douter de la pérennité d’installations d’aiguillage commandées en local par des agents sédentaires postés à demeure. « C’est le sens de l’histoire », me rétorquera-t-on encore, convaincu par un aveuglant dogmatisme hébété, dans le but d’améliorer la gestion des circulations (sic), argument douteux mais toujours moins mensonger que l’augmentation de l’offre parfois vantée dans les communications de la branche Réseau de la SNCF au titre des bénéfices apportés par les commandes centralisées. Ne soyons pas dupes, cet argument est sans rapport direct avec l’informatisation des commandes d’aiguillage (nos aïeux ont au passage bien su faire sans).

Un jour suivant, l’intrigue en ces lieux amène à chercher l’emplacement d’un ancien point d’arrêt jouxtant un passage à niveau sur la commune de Champagnole, plus au nord en remontant la ligne vers Ardon. Accessible depuis la route nationale 5, un passage sous pont-rail oriente l’exploration, au droit d’une ancienne bâtisse au pied de la plate-forme ferroviaire (il s’agit d’une ancienne tuilerie, justifiant l’implantation du point d’arrêt ferroviaire en question). Le chemin au gabarit limité et au relief certain amène au point de rebroussement obligatoire, correspondant à l’emplacement du P.N., voisin d’un quai envahi par la végétation, donnant sur la ligne exploitée. La bâtisse de la halte d’Ardon Montrond a disparu, probablement rasée entre 1974 et 1978, d’après les éléments contextuels fournis par un homme rencontré plus bas sur le retour et mes recherches ultérieures (vues aériennes anciennes). Nous sommes à peine quelques dizaines de mètres en amont du panneau de signalisation n°1 annonçant le passage à niveau n°7 situé 500 mètres plus bas en aval, en entrée de Champagnole, mais l’endroit semble si délicieusement isolé qu’on pourrait se croire à des dizaines de kilomètres de là, en campagne reculée ; ce que cette France bucolique et pittoresque fait du bien…

baraquement dans un terrain
Faisant face à l’ancienne halte d’Ardon Montrond, de l’autre côté du P.N. piéton, baraquement, hamacs et cadre bucolique à souhait (Jura) Septembre 2023

En redescendant légèrement l’axe de la ligne puis se dirigeant vers le nord ouest de Champagnole depuis sa gare, on peut suivre le tracé de l’ancienne ligne à voie unique à écartement normal de Champagnole à Lons le Saunier, fermée aux voyageurs en mai 1938 et aux marchandises en novembre 1953. Les quelques maisons aperçues aux intersections manifestement peu fréquentées rappellent le caractère ferroviaire de la voie désormais bitumée ; voie en « site propre » ou voie verte, comme en veut l’usage à la mode. Entre Champagnole et Crotenay, un ancien pont-rail enjambe en un point proche de l’axe routier fréquenté l’Angillon, où un passage permet d’en approcher les bords pour mieux en contempler la vue.

rivière
Depuis l’ancienne ligne de Champagnole à Lons le Saunier, section Champagnole – Crotenay, vue sur l’Angillon à Champagnole (Jura), vue vers Crotenay Septembre 2023 Septembre 2023

Cette virée se termine gentiment sur les timides traces à peine décelables de l’ancienne ligne à voie unique à écartement métrique du tacot de Champagnole à Foncine le Bas, exploitée par la compagnie générale des chemins de fer vicinaux jusqu’à sa fermeture au trafic en avril 1950. Au sud est de Champagnole SNCF, ceinturée par l’urbanisation rampante du centre-ville, la petite bâtisse de la gare de Champagnole Ville, tous volets fermés et barricadée, semble chercher à se protéger autant qu’elle peut des intrusions ; puisse-t-elle résister.

Emprises & dépendances – divers – voyageurs
Comme une hirondelle
Gare de Dole, train TER à destination d’Andelot pour rebroussement et gare d’Andelot, mercredi 30 août 2023
Au cours de ma correspondance à quai de milieu de matinée, je relève l’attrait de certains curieux pour la ligne des Hirondelles, l’autorail de queue de mon train étant réservé à un groupe organisé, vis-à-vis duquel des voyageuses échangent sur le positionnement approprié par rapport au sens de la marche, scène ne manquant naturellement pas de me faire sourire intérieurement tout en me dirigeant vers l’élément de tête.
Le train s’élance ensuite et traverse un peu plus tard les beaux paysages du Jura sous une belle clarté. Au passage en amont du point kilométrique 414, au droit de la plate-forme dans le sens de la marche, je repère la pile ou ce qui reste d’un ouvrage d’art, laissé à demeure, détail s’ajoutant à ma liste de vestiges remarqués pour identification ultérieure, ces témoignages discrets d’architecture ou de construction ravivant toujours chez moi l’élan mélancolique caractéristique.
Une fois à Andelot, remballant ma petite cartographie sous plastique et empoignant ma sacoche d’appareil photo., je me dirige vers la sortie, mais ce n’est qu’une fois dehors que je réalise me sentir anormalement léger comme une hirondelle : pour la première fois de ma vie, je viens de laisser mon sac de voyage à l’intérieur du train ! Cet oubli est vite réparé le temps du changement de bout du conducteur, m’évitant heureusement d’éventuelles complications futures, étant de très loin un habitué des « objets trouvés » !

Emprises & dépendances – divers – voyageurs
Perçant
TGV Lyria n°9261 au départ de Paris Gare de Lyon, à destination de Lausanne, mercredi 30 août 2023
Installé depuis quelques instants à peine à un carré de places des plus ordinaires au niveau inférieur d’une voiture calme, une jeune femme, munie d’une valise relativement imposante, passe une première fois dans l’allée centrale sur laquelle je donne, fauteuil côté couloir oblige. La voici qui rebrousse chemin et s’installe sur le siège face à moi. Un sourire discret en guise de salut de courtoisie et parfaitement de circonstance est échangé ; je remarque alors la beauté de ses yeux, une sorte de bleu vert d’une certaine profondeur lui conférant un regard à la fois éclatant et troublant ; magnifique. Voilà longtemps que je n’ai pas vu de tels yeux, me raisonnant cependant intérieurement en songeant au fruit du « hasard » de la génétique dont elle n’a aucunement décidé du sort à sa naissance, tout en m’interrogeant sur l’authenticité de la couleur de son iris, le port de lentilles n’étant pas à exclure. Me revoilà reparti dans mes travers et ma méfiance légendaire : et si l’image était trompeuse (ce que certains formuleraient plus trivialement en se demandant si l’on ne nous tromperait pas sur la « marchandise ») ? Toujours est-il que son regard perçant attire l’œil, ses yeux exerçant une fascination d’une force peu ordinaire. En vérité, nos regards se croisent peu, et il m’apparaît évident que son téléphone intelligent à écran tactile l’occupe davantage que les ruminations mentales sans intérêt du voyageur observateur que je suis, lui remarquant par ailleurs des ongles manucurés comme je déteste.
La demoiselle passera l’intégralité de son temps jusqu’à Dijon (où elle descendra) sur son écran, occupée à pianoter avec une vélocité maîtrisée malgré ses ongles, détournant ponctuellement sa focalisation oculaire le temps d’une gorgée d’une boisson chaude contenue dans un gobelet ordinaire en carton qui lui aura été remis par un banal kiosque alimentaire standardisé, à l’image de l’uniformisation du lieu qui l’accueille, les grandes gares disposant toutes plus ou moins des mêmes enseignes, des mêmes présentations, des mêmes produits industriels, des mêmes habitudes et des mêmes habitués…lassitude d’une chronique ordinaire, parce que rien ne change vraiment, et que dans l’angle mort, l’ombre veille toujours. Si l’apparente beauté d’un regard ne s’ouvre pas nécessairement sur un horizon éclairé, la fragilité des rencontres, l’ambivalence et l’inconstance humaines ainsi que la dépendance technologique n’en sont ici pas moins sensibles.

Emprises & dépendances – divers – voyageurs
Transport – divers
Voyageurs
Train PORO de 12h32 au départ des Essarts le Roi, à destination de Paris Montparnasse, et gare Montparnasse, mercredi 05 juillet 2023
A Saint-Cyr montent deux jeunes enfants accompagnés de ce que je comprends être la mère d’au moins une des deux. A Versailles Chantiers, une des petites questionne la mère sur l’appellation de cette gare, la dénomination de Chantiers l’interpellant. La mère lui explique la différenciation vis-à-vis des autres gares de Versailles et l’enfant, dans la plus grande des spontanéités poétiques caractéristiques de cette période de la vie, de réagir : « parce qu’il y a plein de chantiers » ; ce n’est pas faux, et cette observation pleine de sens ne manque pas de faire sourire la mère.
Cet épisode me rappelle avec une tendresse particulière une scène lointaine de mes débuts dans les transports où, dans un train de banlieue, un jeune enfant qui venait de découvrir un ticket égaré, avait eu des mots simples mais emprunts de merveilleux en évoquant sa trouvaille auprès de sa mère, comme la joie d’une découverte inattendue et incroyable du carton réglementaire appartenant à un autre voyageur que lui. La spontanéité poétique avec laquelle il s’était exprimé avait éclairé d’une magie enfantine quelques instants de ce trajet de banlieue, scène toujours soigneusement conservée en mémoire, encore de longues années après.
A Clamart, le train se remettant en mouvement, j’aperçois sur le quai central un petit groupe d’enfants alignés pour la pause, une femme encadrante les prenant en photo.
Ces courts instants de vie d’une jeunesse en devenir dont je suis le témoin captif depuis mon train sont à ces moments précis bien loin des marqueurs déprimants, noirs, pessimistes et sombres de générations perdues, où l’inversion des valeurs est érigée en guide éducatif, où la dépolarisation des êtres façonne les haineux de demain.

Une fois à Montparnasse, où je découvre la fin de la délivrance des (carnets de) tickets de métro en carton au profit de passes à charger (confirmation d’annonces antérieures), l’immersion dans la foule est saisissante. Par ailleurs à ma droite, sans surprise particulière, des automates d’achat de tickets sont hors service, et des militaires armés sont postés en vigie, rappelant le contexte toujours aussi fragile et vulnérable de notre société. La file d’attente à l’unique triple guichet est conséquente, et une étrangère devant se rendre à l’aéroport Charles de Gaulle en profite pour me questionner quant à l’ambiance (de rue) actuelle et des risques (éventuels) au vu des « événements » en cours (autour de la mort du Nahel de Nanterre), souhaitant savoir s’il est possible (risqué) de prendre les transports au petit matin. Je tâche de la rassurer quelque peu en lui expliquant dans un anglais approximatif dont je ne suis pas fier que la tension est redescendue, que les choses sont plus calmes, tout en lui disant que c’est Paris, que c’est la France, que nous sommes un pays compliqué, sous-entendu que rien n’est jamais complètement tranquille ici.
Certains voyageurs étrangers doivent effectivement se prendre une vraie claque en débarquant dans Paris, « la capitale du crack et du camping ». Quant à « l’affaire Nahel », en accord avec la préfecture de police, décision est prise plusieurs soirs d’affilée de suspendre tous les bus et tramways d’Ile de France au plus tard à 21h00, impactant forcément nombre d’usagers laissés pour compte. Le même choix sera retenu les 13 et 14 juillet, avec une marge d’une heure supplémentaire. A réactions explosives, mesures conservatoires ?

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Incivilités – malveillance
« Qu’Allah te préserve »
Gare de La Verrière, dimanche 28 mai 2023
Peu avant 06h00, alors que j’approche de la gare, des voix un tantinet trop sonores me parviennent, j’en identifie sans tarder les auteurs : trois jeunes gens, deux garçons vêtus de noir et une fille tout en blanc, dont je présume qu’ils viennent de descendre du PORO en provenance de Rambouillet qui fait 05h54 au départ ici, semblent rentrer de soirée. La mine quelque peu défaite, du genre de ceux qui n’ont pas consommé que du jus ni inhalé que de l’air, les trois comparses semblent chercher quelque chose, au demeurant sans véritable intention malveillante, mais ma perception de la situation amène immédiatement mes réflexes de vigilance à refaire surface, remettant mon corps et mes sens en alerte (réminiscences du passé ?). Je les entends s’adresser à un homme en attente, quelque chose dans les mains (un petit ouvrage ?), posté debout face aux tourniquets nouvelle génération (qui n’ont plus rien de leurs aïeux), manifestement pour une demande dont je ne saisis pas la teneur, avant de percevoir très nettement la jeune femme le remercier puis clore l’échange par un « Qu’Allah te préserve » aussi déroutant qu’inattendu en prenant congé de lui tout en se dirigeant vers la gare routière. Le monsieur est à des générations de son âge, mais nous ne nous étonnerons malheureusement pas du tutoiement inapproprié par les temps qui courent (et qui durent). Quant à la formule, l’irruption hors contexte de cette petite phrase désespérément dénuée de sens nous rappelle que c’est aussi ça, la confusion globale dans une France changeante et « inclusive ».
Nos trois loustics du petit matin feront ensuite résonner un temps leurs voix « dérailleuses » depuis la gare routière déserte, à quelques centaines de mètres du rond-point voisin de la nationale 10 où je dépassais quelques minutes plus tôt un véhicule de gendarmerie arrêté sur zébras où deux militaires « encadraient » un individu muni d’un brassard orange au bras rappelant celui porté par certains agents de sécurité, au devant d’une voiture arrêtée sur le côté de la chaussée. Le dimanche précédent, le train ROPO de 05h20 au départ de Paris Montparnasse accusait un retard de 34 minutes suite à une demande d’intervention de police appelée sur les quais en raison de troubles conséquents à un racket de téléphone à bord (bagarre) ; rien ne change au petit matin des dimanches et fêtes, dans ce pays.

Incivilités – malveillance
Montée/descente
Train TER de 09h05 au départ de Rambouillet, à destination de Paris Montparnasse, vendredi 05 mai 2023
A Versailles Chantiers, je capte une annonce automatique remerciant les passagers entrants de bien vouloir laisser les sortants descendre. Cette mention peut prêter à sourire, elle n’en est pourtant pas moins révélatrice de nos comportements humains d’urbains. Certains d’entre-nous feraient bien de s’inspirer d’autres contrées, notamment à l’étranger, où le civisme y est plus appliqué, mais cette réflexion est d’une banalité qui se noie déjà dans l’océan tant il y a à faire en France et particulièrement en zones denses.

Incivilités – malveillance
« Ouai »
Train ROPO de 13h35 au départ de Paris Montparnasse, à destination de Rambouillet, vendredi 06 janvier 2023
A Versailles Chantiers monte un jeune homme, lycéen probablement, et s’installe à quelques sièges à peine derrière moi, restant visible dans mon champ de vision. Le garçon est tout fin. Avachi, les jambes écartées, il se tient en travers. Sa posture est ouvertement nonchalante, sans être (malheureusement) surprenante. Manifestement au téléphone, je l’entends énoncer des banalités (« Vous êtes où ? (…) ouai (…) j’suis encore à Versailles (…) ouai (…) vas-y (…) ouai… », il ne manquerait plus qu’à appuyer sur une tenue de survêtement pour parfaire le tableau) ; « génération j’m’en bats les couilles »…
Notre champion (un de plus) descendra à La Verrière et libérera de sa présence en lui rendant son caractère paisible mon espace.