Emprises & dépendances – divers – voyageurs
Incivilités – malveillance
De haut en bas
Train TER n°883323 de 16h48 au départ de Chambéry Challes les Eaux, à destination de St-Michel – Valloire, gare de Chambéry (rotonde), train TER n°883358 de 07h52 au départ d’Aiguebelle, à destination de Chambéry, TGV n°6908 de 09h47 au départ de Grenoble, à destination de Paris Gare de Lyon, et train ROPO au départ de Paris Montparnasse, à destination de Rambouillet, fin août 2024
Mardi 27 août, me voilà reparti sur les rails en direction d’Aiguebelle via Chambéry Challes les Eaux, à bord d’un TGV en partance pour Annecy. Je descends à Chambéry pour correspondance avec un TER en matériel Corail (réversible, qui plus est), ce qui me ravit d’avance (confort).
A bord, les annonces sont régulières (avant départ origine, en amont des arrêts et au moment des dessertes), la présence humaine est agréablement perceptible (allées et venues de l’agent, traversées de la rame), avec vérification des titres de transport et opérations de sécurité requises (fermeture des portes, service voyageurs), le tout dans une droiture d’attitude, si j’ose dire, ferme et correcte, ce que je ne manquerai pas de souligner positivement par un écrit adressé en ligne au service clients TER de la région Auvergne Rhône Alpes à mon retour début septembre.
Les trains Corail sont des trains « à l’ancienne », il faut être sacrément alerte et bien connaître sa section de ligne pour anticiper les annonces sans risquer de prendre par surprise les passagers n’ayant pas l’habitude de l’axe, montrer sa présence, contrôler les billets et savoir où l’on en est quand on est « entrecoupé » toutes les cinq à dix minutes à peine par des opérations de sécurité que nécessitent les arrêts et leurs départs, d’autant plus avec la délicate phase de fermeture des portes et leur (non) verrouillage immédiat.
Chapeau bas à cet « agent du service commercial train », agent des chemins de fer en pleine mutation (les chemins de fer) mais qui force le respect par un type d’exploitation « à l’ancienne » manifestement implacablement exécuté. Ce n’est pas le cas partout, et certains, agents comme usagers, ne se rendent pas toujours bien compte de la relative charge mentale que peuvent représenter de telles missions en solo dans un train, avec tout l’aléatoire de l’exploitation ferroviaire et la gestion des passagers (tâches commerciales, correspondances, sûreté…).
En cours de séjour, l’occasion m’est donnée de faire un aller-retour à Chambéry (que j’aurais déjà commencé à visiter le jour de ma correspondance aller), avec l’intention de visiter la rotonde SNCF, plus éloignée de la gare que je ne pensais à première vue (mode piéton oblige). La visite est guidée, et seules quelques voies de ce fleuron du patrimoine industriel chambérien nous sont accessibles. Jolie coupole surélevée de loin, y pénétrer offre un spectacle à lui tout seul, d’autant plus aux moins familiers du milieu : ponctuellement, au cours de la visite, la guide s’interrompt, laissant les visiteurs curieux assister aux manœuvres d’engins moteur évoluant d’une voie à l’autre via la plaque tournante commandée électriquement.
Le bâtiment abrite 36 voies, jusqu’à 72 locomotives, ses fondations sont sur pilotis, et la couverture (la lanterne et la « dentelle de fer ») sont remarquables. En 1982, une demande d’inscription au titre des monuments historiques est formulée, qui sera actée deux ans plus tard. Le bâtiment aura nécessité quatre ans de construction, mais la couverture en boiserie ne date que de 2011, et sa toiture d’ardoise est partiellement tuilée.
Sur les voies dédiées à la visite sont par ailleurs entreposées quelques machines emblématiques d’une époque révolue : la « boîte à sel », une petite locomotive industrielle datant de 1927 (affectée sur l’embranchement d’une usine de ciment, assurant la réception et les manœuvres de trains pour expédition, participant par ailleurs ponctuellement à de grands travaux extérieurs), la CC 7102 arborant le sigle SNCF de 1938, magnifiquement repeinte, la 2CC2 3402, une belle locomotive rivetée imposante et longue…le tout entretenu et préservé par l’Association pour la Préservation du Patrimoine Ferroviaire Savoyard.
Un bref échange avec la guide conférencière en sortant donne quelques éclairages complémentaires. Employée par l’Office du Tourisme local, la conversation vire vite sur un commentaire subjectif qui parlera aux plus sensibles d’entre-nous : sans réelle surprise, la SNCF semble peu encline à faire valoir son patrimoine industriel, que des citoyens passionnés, associés ou non, compensent par leur investissement personnel. Dans le même temps, notons cependant qu’à quelques occasions et en quelques points du réseau, ponctuellement, la SNCF sait pourtant ouvrir ses portes et faire dans la vulgarisation ; curieuse ambivalence d’opacité et de transparence à la fois. Et si le matériel roulant est très largement couvert, y compris par toutes sortes d’hurluberlus comptabilisant les numéros de série de TGV (soit), je salue l’approche sensible d’autres par leurs écrits et photographies d’infrastructures ferroviaires comme les ouvrages d’art dessinant le territoire, pour beaucoup depuis bien plus d’une centaine d’années…une charge certaine, en plus de la maîtrise de la végétation, pour SNCF Réseau dont certains échelons hiérarchiques semblent préférer leur déroulé de carrière à la beauté des profils de lignes et au travail de nos ancêtres bâtisseurs, qu’ils ont pourtant en héritage. Sans surprise, des pierres tomberont encore et encore, et quand elles seront recouvertes d’eau, de végétation ou « simplement » d’oubli, nous les évoquerons comme des vestiges d’archéologie ferroviaire, toujours plus nombreux.
Samedi 31 août, je monte en milieu/queue de train, à bord d’une rame encore relativement moderne (toujours trop pour moi), me plaçant à un fauteuil « isolé », coin tranquille contre la vitre. Je suis bien seul, à l’exception de deux hommes plus âgés que moi à quelques mètres devant, repérés dès mon entrée par leur regard dans ma direction. Le train se met en mouvement. Bien que se faisant face à face de part et d’autre du couloir les séparant, les deux individus se connaissent et guettent les mouvements du contrôleur (et non les miens). N’étant manifestement pas en règle et préparant la confrontation, je les entends employer un ton agressif et menaçant, usant de propos peu élogieux, me refroidissant immédiatement. A l’approche du contrôleur venant de vérifier mon titre de transport, les deux lui tombent dessus dans une tension palpable, avec une explication douteuse, qu’ils sont « en galère », etc. Mais l’intimidation ne plaît cependant guère à l’agent, qui se défend comme il peut en leur rappelant quelques règles simples, d’un ton ferme sans le hausser pour autant, insistant qu’il était inutile de l’agresser. Il les laisse alors tranquille un temps, sans chercher à les verbaliser, peut-être pour que la tension redescende (moi également).
Sans savoir s’ils se feront interpeller plus loin en raison d’un éventuel signalement qu’aura potentiellement pris soin d’émettre l’agent et de leur irrégularité de situation, je songe à leur comportement initial et à la banalisation de la violence et du piétinement de l’autorité (prêts à repartir en garde à vue, de leurs mots même, ayant compris qu’il s’agissait de marginaux, possiblement sans domicile fixe).
En descendant à Montmélian, j’échange quelques mots brefs de soutien avec l’agent, lui aussi désagréablement nerveux par cette altercation, qui plus est matinale, m’expliquant bizarrement ne pas être normalement affecté à cette tâche, étant « à la base » conducteur…sans avoir le temps de chercher à le questionner sur ce point, faire face aux imprévisibilités humaines dans les gares et dans les trains mériterait cependant tout un sujet d’étude.
Gare de bifurcation comme j’aime (patte d’oie), Montmélian se tient bien dans le paysage en ce matin ensoleillé. Son sens du service accuse néanmoins le coup comme ailleurs : ici les guichets (il en reste) sont ouverts du lundi au vendredi seulement, avec une coupure à midi, mais des fiches horaires des liaisons environnantes sont disponibles ; salutaire. En extrémité de quai au passage planchéié pourtant bien équipé en pictogrammes lumineux de traversée, une dame, employée prestataire, vigile cycliquement en les encadrant les traversées par le public. Il s’agit là d’une curiosité que je découvre pour la première fois. Sur un poteau caténaire voisin à la traversée, je remarque les contrepoids descendus au maximum (dilatation estivale oblige) ; les éléments vivent, se contractent et s’écartent, imposant des tournées d’inspection et des manipulations humaines là où d’autres semblent rêver d’un monde sans les coûts qu’ils engendrent.
Je note cependant le choix manifestement opéré par l’autorité organisatrice régionale de conserver dans les trains TER composés de parc roulant ordinaire comme spécialisé au moins un contrôleur par train ; c’est du moins ce que je constate avec cette virée en vallée de Maurienne et alentours. Sur tous les trains empruntés, de semaine comme week end, la présence humaine est visible, avec néanmoins une application et un investissement variables selon l’agent. Je salue donc ce choix, ne serait-ce que pour la présence humaine à bord, ce qui est loin d’être un détail pour le commun des usagers dont je suis (ou redeviens) lors de mes escapades.
Retour d’escapade, justement, remarquant passer à plusieurs reprises à bord de mon TGV du retour une demoiselle, jeune femme à l’accoutrement quelque peu atypique et au regard vaguement perdu, dont un entretien avec le contrôleur me laissera supposer sa situation irrégulière, que les miettes de papiers d’emballage de biscuits laissés en l’état sur sa banquette une fois partie, à l’arrivée, incarneront à leur manière, rappelant tant d’autres petites négligences humaines altérant, de fait, le « vivre ensemble » que certains nous vantent encore.
Du haut de la Savoie je redescends bien bas, ce que ne tardera pas à confirmer l’usage déplorable de nombre « smartphones » à bord de mon train de banlieue : musiques d’habillage sans cachet, ambiances sonores non reposantes de vidéos défilant au gré de doigts d’utilisateurs remplissant le temps, sons découpés, hachés, redondants et morcelés comme le sont devenues, parfois gravement, certaines de nos activités et interactions humaines, le contraste avec ma relecture progressive du Prophète, de Khalil Gibran, est frappant. Plus haut derrière moi, cependant, l’échange entre une mère et sa petite qui lui parle avec la spontanéité saisissante de cette tranche d’âge m’invite à l’apaisement.
Ce que l’équilibre reste néanmoins fragile entre les parasites de nos existences et la perspective de voies plus dégagées. Pourvu que la végétation, épineuse comme urticante, ne gagne pas plus que de raison et ne vienne obscurcir davantage l’horizon.
Emprises & dépendances – divers – voyageurs
(Incivilités – malveillance – sûreté)
Patrimonialement vôtre
Sur les traces des anciennes lignes à voie unique de Coutances à Sottevast (section Lessay – La Haye du Puits) et de Carentan à Carteret (section Carentan – La Haye du Puits), et des Jeux Olympiques et de ses (non) conséquences, fin juillet 2024
Avant toute chose, j’adresserais volontiers une pique délicieuse à l’attention des journalistes mal renseignés ou peu rigoureux en la matière pour qui les TGV détournés suite aux actes de vandalisme du 26 juillet (incendies sur installations électriques et télécoms) auraient circulé sur d’anciennes lignes, car confondre une ligne classique ou conventionnelle, exploitée, avec une « ancienne ligne » sur laquelle l’exploitation n’est plus permise suite à fermeture et déclassement relève d’un manque d’appréciation ou d’un manque profond d’intérêt pour les choses du rail…à moins de considérer la formule employée comme désignant des lignes historiques par opposition aux lignes nouvelles à grande vitesse ?
C’est quelques jours après ce coup coordonné de sabotages sur trois lignes à grande vitesse dans la nuit du 25 au 26 juillet que je me lance, accompagné, sur deux sections de voies vertes que le Cotentin, devenu peau de chagrin en matière ferroviaire, propose. Les sections de lignes parcourues sont agréables à faire en vélo, bien que le revêtement ne soit pas lisse, et les axes, plutôt rectilignes, sont suffisamment ombragés par les voûtes végétales au gabarit.
Sur la 417000 pour commencer, passage devant la bâtisse d’Angoville sur Ay et son « jardin animalier » (un paon, parmi d’autres bêtes à l’air libre), puis Lessay, son ancienne gare et sa bordure de quai encore bien visible, où une pause photo. vaudra par la suite un commentaire choisi de la part d’un collègue « expatrié » en Maine et Loire : « des vraies vacances ça, prendre le temps, apprécier le patrimoine, les choses simples ».
Sur la 418000 pour enchaîner, seules les anciennes gares de Baupte et d’Auvers manquent à l’appel, mais le cadre bucolique en quelques points du parcours comme le pont à trois arches à Baupte et les marais de la Sèves et leur faune (un rapace et des cygnes) retiennent notre attention en cette journée très ensoleillée. A Carentan, après avoir passé la zone urbaine du centre-ville circulée de part et d’autre de la gare en service, un arrêt mesuré face au port de plaisance permet une pause rafraîchissante au calme, méritée.
Un jour suivant, le Train Touristique du Cotentin nous offre à Portbail l’opportunité d’une visite de la cabine de conduite de l’engin moteur, une bonne vieille diesel-électrique de la série des BB 63000 (vue du pupitre de commande, manipulateurs de traction et d’inversion, enregistreur Flamand, robinet de frein, commande sous toiture du sifflet…), puis d’une virée douce à une vitesse forcément modérée jusqu’à Carteret, parcours à bord d’une voiture munie de fauteuils en Skaï dont je laisse chacun se représenter la chaleur rayonnante lorsque les températures estivales frappent. Au terminus, après un bref échange avec l’équipe encadrante, alors qu’un petit groupe de jeunes femmes curieuses visitent les lieux accompagnées par un bénévole, j’échange la pièce contre un magnet, modeste participation financière de ma part en guise de soutien, soulignant mon intérêt pour la visite de la locomotive et les commentaires à bord, malgré le manque d’attention général des touristes passagers. On nous invite alors à bord de la cabine pour la manœuvre (changement de bout de la machine), un petit quart d’heure en tout et pour tout, le délice de l’inattendu touristique avant d’engager notre marche retour par la plage jusqu’à Portbail, par un temps des plus chauds et plaisants, suggérant l’acquisition d’une boisson rafraîchissante salvatrice (bien que sans succès).
En « résumé non exhaustif », un séjour concis mais efficace, cyclo-ferroviaire, fleuri, frais et paysager, déplorant néanmoins la trop systématique absence de savon dans les distributeurs de toilettes publiques, comme en tant d’autres lieux d’aisance du territoire pourtant destinés au public ; un mal français connu.
Les embruns de la Manche passés, loin des Jeux Olympiques, je note cependant que dans mon secteur yvelinois où je réside et travaille, aucune amélioration du plan de transport SNCF habituel n’est constaté à mon retour, JO pourtant bien en cours. Contrairement aux annonces depuis de longs mois, ni pointe de week end (matinée comme soirée) ni surcharge de trafic (semaine comme week end). Rétrospectivement, les observations sont même assez dérangeantes : recrutements en amont et incitations financières à travailler, conséquence de mouvements et de revendications redoutées et réelles (dont les 95 € par jour et par agent pendant les jours d’épreuves sportives, sans distinction de ville en Ile de France, contrairement à la province), surreprésentation d’aiguilleurs en postes avec renforts et présence de dirigeants en des points « stratégiques », plan de transport sans évolution depuis le Covid (pour rappel, ici les lignes dites N&U n’ont toujours pas vu leur fréquence s’étoffer depuis), moindre charge de travail proportionnellement au nombre d’agents se regardant dans le blanc des yeux des heures durant, bref, une honte.
Il ne s’agissait donc que d’effets d’annonces, préparant toute la ligne hiérarchique et les agents de maîtrise et d’exécution au cas où, sans que la charge de travail ne soit nécessairement relevée. Les prix des billets, pas uniquement à la RATP, sont eux bien relevés : tickets t+ augmentés à 4 € (unité plein tarif) et tickets « gare à gare » augmentés à 6 € (unité quel que soit le trajet) ; certains titres et forfaits sont même suspendus le temps des Jeux (Navigo jour & semaine, Paris Visite), soit jusqu’au 08 septembre. L’argumentation déjà discutable de la part de l’autorité organisatrice régionale selon laquelle les tarifs devaient évoluer (à la hausse) pour satisfaire le plus grand nombre au vu de l’accroissement de trafic envisagé est restée ne serait-ce que dans mon secteur sans effet. Tout ça pour ça… En gares et dans les trains cependant, habillages visuel (pancartage) et sonore (annonces de desserte de sites olympiques) agrémentent les trajets…certes un peu trop à mon goût.
A tout ce florilège théâtral estival sous pression je préfère garder en tête les notes ensoleillées et venteuses de mes escapades manchotes ou manchoises, notamment sur les traces d’anciennes lignes ferroviaires et la bonne nouvelle, plus ancienne et jusqu’ici non évoquée, de la « sauvegarde » de la rotonde de Nevers par un arrêté préfectoral de la Nièvre en interdisant sa démolition en mai dernier (affaire à suivre). Patrimonialement vôtre…
Emprises & dépendances – divers – voyageurs
Incivilités – malveillance – sûreté
Omnes docet ubique
Autour de la conférence intitulée « L’aiguillage et son poste : grands oubliés de l’aventure ferroviaire » organisée au Cnam (Paris), jeudi 18 avril 2024
Bien que découvert à peine quelques jours plus tôt par une communication de l’association Rails & histoire, comment ne pas saisir une telle opportunité ? A l’aller, à Montparnasse, je rencontre des difficultés techniques de rechargement de passe pour le métro (les bornes automatiques, leurs écrans tactiles et moi…), me retardant déjà. Je ne suis pas coutumier d’amphithéâtres comme celui de l’abbé Grégoire où se déroule la conférence, arriver en retard à la vue de tous m’est donc forcément désagréable, même si je comprends sans tarder que d’autres me suivront, manifestement sans gêne particulière.
La conférence, organisée au conservatoire national des arts et métiers dans le cadre d’un cycle consacré à « L’aventure des inventions », est animée par le géographe et professeur Francis Beaucire, par ailleurs membre du comité scientifique de Rails & histoire.
La présentation du sujet est assez brève et rapide, prenant comme origine un levier d’aiguillage, déroulant très vite jusqu’à l’automatisation partielle des commandes, expliquant, à travers notamment la citation de grands noms de concepteurs inventeurs du 19e siècle (Fox et Heard Wild en pionniers de systèmes d’aiguillage (bien que rudimentaires et imparfaits), Vignier et Saxby pour les concrétisations ultérieures (et leurs systèmes d’enclenchements, que le conférencier ne précise pas)), comment l’apparition de l’aiguillage permit de faire réseau. Jolie formule, qui en dit long sur l’évolution des technologies permettant aux trains de passer d’une voie à l’autre, et de faire lien, par l’établissement de connexions.
L’aiguille, à l’origine d’aiguillage, désignant le ou les rails effilés et mobiles d’un appareil de voie (permettant un changement (de voie)), apparaît bien plus imagée et poétique que n’importe quelle désignation technique du même appareil chez nos voisins étrangers ; l’aiguille, une particularité linguistique typiquement française ?
Si je m’attendais à un traitement plus approfondi du sujet, sous un angle à la fois plus géographique et technique, exemples d’implantations sur le territoire à l’appui, des points ont par ailleurs retenu mon attention, notamment l’intérêt que porte l’association animatrice de l’événement pour la patrimonialisation de postes d’aiguillage (projet « Remarquables postes »), longtemps délaissés, trop souvent mis de côté. Paradoxal, car point de maillage ni de réseau sans aiguillage.
Le deuxième temps de cette « rencontre » est consacré aux échanges avec le public. Les diverses interventions apportent leur petit lot de précisions, où sont par exemple abordées plus ou moins brièvement des notions comme l’électrification des commandes, les enclenchements, le poste à relais à transit souple, les correspondances, les dessertes…et les CCR. Moi qui m’étais dit espérer ne pas entendre parler à cette occasion de commandes centralisées du réseau, me voilà pris au piège. Sur ce sujet, chacun y va un peu de son point de vue, et si les arguments des uns et des autres s’entendent (financements, positionnement de la SNCF par rapport à « l’avancée » dans ce domaine de réseaux étrangers voisins, stratégies industrielles, politiques de maintenance des installations, etc.), je note, sans réelle surprise, que l’annonce de la progressive mais certaine centralisation des installations de commandes d’aiguillages et de signaux en France est perçue par quelques uns de l’assemblée comme une avancée majeure et une nécessité attendues, promotion appuyée des sempiternels arguments vantant modernisation et optimisation de l’exploitation (largement discutable), adaptation (uniformisation) et contrôle des coûts d’entretien à long terme (moins discutable).
C’est au terme d’une présentation en fin de compte plutôt succincte d’un pourtant passionnant sujet et après un temps d’échange grosso modo d’une même durée que la conférence s’achève, certains (et quelques rares certaines) n’ayant pas attendu la clôture de la conférence pour quitter l’amphithéâtre, déjà loin d’être complet.
Au retour, probablement pour ne pas perdre pied vis-à-vis de la réalité parisienne et d’une frange de sa population errante, je surprends, en sortant du métro boulevard du Montparnasse et remontant la rue du Départ, un individu en train d’uriner sans gêne le long d’un mur de la galerie commerciale. Et dans le train du retour, deux jeunes énergumènes en survêtement, montés à Saint-Quentin en Yvelines, s’installent en bas, quelques mètres devant moi. Sans les distinguer parfaitement, je perçois de l’agitation, les deux champions cherchant à n’en pas douter leur public. L’un deux, oreillettes dans les oreilles, se met à chantonner de douteuses paroles émanant de ce que je suppose sans difficulté être un rap de bas étage, mentionnant sans finesse quelques « salope » et « chatte ». Hors contexte et sans préparation amont, l’irruption vocale particulièrement vulgaire de cet abruti écervelé (un de plus), sans vraiment me surprendre, m’irrite quelques instants avant que lui et son complice ne descendent à Trappes, la gare immédiatement suivante.
Plus tard le soir, une source proche me rapportera une scène à laquelle elle venait d’assister dans un métro parisien d’extrême soirée, un début d’altercation entre un sans abri armé d’un objet de type cutter et un usager.
Dans le contexte actuel des maux de notre société et de sa violence parfois tristement banalisée dont les origines ne sont pas si récentes comme on nous le présente parfois (exhibition de couteaux…), ces mises en situation parasites m’apparaissent à l’opposé complet du contexte dans lequel ma conférence m’avait plongé plus tôt : on est alors loin de l’esthétique des ornements et du raffinement de l’amphithéâtre de l’abbé Grégoire du Cnam, établissement dont une des missions principales consiste toujours à faire « du savoir un levier d’émancipation sociale par le travail, en permettant à chacun de construire ses compétences et de s’accomplir professionnellement. »
Je serais curieux de savoir ce que penserait mon chanteur parasite du train de la devise « Omnes docet ubique » mise en avant par le Cnam dans sa présentation historique, et de l’intérêt qu’il porte à l’élévation de l’esprit par la connaissance et l’éducation…
Emprises & dépendances – divers – voyageurs
Incivilités – malveillance
Rond Point Route D
Autour du tracé de l’ancienne ligne à voie unique du Vigan à Quissac (section Ganges – La Cadière), 19-22 février 2024
Des raisons familiales m’amenant à retourner vers les Cévennes de façon quelque peu précipitée, me revoilà embarqué dans les complications habituelles de réservation de billets (aller-retour oblige), de surcroît dans un contexte dégradé à cause du mouvement de grève de contrôleurs TGV ayant déjà bien fait parler de lui en amont dans la presse. Mais l’embarquement à bord du TGV finalement réservé à Paris gare de Lyon en ce lundi 19 au matin tôt se fait sans coup de couteau, et c’est heureux.
Une fois sorti de l’enceinte de Nîmes Pont du Gard ou la petite gare TGV isolée au hall ajouré et aux pins clairsemés par laquelle je transite, patientant seul dans le vent mais sous le soleil, une jeune femme aux cheveux bouclés vêtue d’un jean bleu apparaît soudain à distance de moi. Venue de nulle part, marchant seule en face en direction de la ville (Manduel), je la suis du regard jusqu’à disparition sur le pont où sa silhouette s’éteint dans la clarté du jour. Ces jeux d’apparition/disparition m’intrigueront toujours…
Mon « séjour » à Ganges, dans l’Hérault, offre notamment l’occasion d’approcher les emprises de l’ancienne voie unique de la ligne du Vigan à Quissac, exploitée de 1874 à 1969 (année de fermeture au trafic voyageurs) et 1987/89 (années de fermeture aux marchandises, selon la section). La reconversion de la ligne en voie verte, comme il en existe en nombre sur le territoire tant cette réaffectation est devenue tendance, permet cependant des accès assurément confortables et sécurisés (fléchages, indications, enrobé lisse, garde-corps (bien qu’étonnamment hauts), aménagements divers).
La réfection des ouvrages d’art est visible, la voie verte étant encore récente, et si je note par exemple un tablier en béton au premier ancien pont-rail rencontré lors d’une brève incursion à Moulès et Baucels dans le sens de la ligne, les parements en pierres sont cependant d’origine, mais restaurés ; salutaire.
Par manque de temps consacré, je n’approche pas l’ancienne gare de Ganges au cours de ma présence dans le secteur, mais l’ancien viaduc ferroviaire à 4 arches immédiatement voisin, que la route vers Sumène borde au point de son amputation, ne manque pas d’attirer mon attention : recouvert partiellement d’une végétation sans doute foisonnante l’été, l’ouvrage semble se fondre dans le décor, à la fois insignifiant dans la configuration actuelle en ces lieux et parfaitement ancré dans le paysage.
En s’intéressant au retour par car régional de la ligne 140, bien qu’ayant identifié en amont l’arrêt « Rond Point Route D » à Ganges sur les tableaux horaires du transporteur, il est impossible de le localiser sur place. Un appel à « liO Occitanie » et mon interlocuteur de m’inviter à télécharger une application…cette suggestion fera l’objet dès mon retour d’une remontée sous la forme d’une remarque via le formulaire dédié de leur site en ligne, restée sans réponse au moment de la rédaction de ce passage.
Le plus simple et le plus fiable étant donc de se débrouiller par ses propres moyens, l’option retenue est de me faire déposer à l’unique arrêt quelque peu isolé de Moulès et Baucels, soit la commune voisine dans le sens intéressé. Mon complice familial à qui je dois ce dépose-minute saisit l’instant, moment d’attente et de tension caractéristique de guet avant que le car attendu ne glisse jusqu’à l’arrêt dans une élégance proche de celle de ces poids-lourds aux cabines à suspension. Par l’isolement de l’arrêt de bus, quelque part le long d’une départementale, solution de transports collectifs quasi unique en substitution du transport ferroviaire neutralisé des décennies plus tôt, ce cliché en dit long sur les pérégrinations de gens dont je suis, usager lambda de mon état.
A l’arrêt « Caserne » de Saint-Hyppolite du Fort, une opération de contrôle des titres de transport par une équipe que je suppose être volante, impose à au moins un passager une régularisation…nous avons déjà 13 minutes dans la vue, l’individu en question semble ne pas s’exciter de la situation et demande finalement à descendre chercher 2 € dans ses affaires rangées en soute. La politique tarifaire pourtant franchement incitative à mes yeux ne semble manifestement pas permettre d’éviter tous les contrevenants. Une fois reparti, j’entends un jeune homme causer avec un autre plus loin derrière moi, relatant le contrôle (non sans viser les employés concernés), évoquant une application permettant de payer (régularisation), et ne tardant pas à faire profiter ses voisins d’un rap peu délicat depuis son téléphone (qu’il maintient cependant à volume modérément doux). Un peu plus tard, je note l’inclination musicale discutable de notre chauffeur (Fun Radio et ses étonnantes reprises électro dance). Une fois en ville (Nîmes ou périphérie immédiate), ce que je suppose être notre premier énergumène, critique sur les contrôleurs, s’adresse depuis la rue au conducteur en le tutoyant familièrement, lui faisant remarquer ne pas avoir apprécié qu’il lui referme la porte arrière sur lui lors de sa descente. Je le suis alors du regard en le détaillant : petite coupe de cheveux colorée tendance, lunettes à verres teintés, tenue de survêtement, démarche traduisant la confiance (excessive), il traverse la chaussée en s’allumant nonchalamment une cigarette. Malgré le ton menaçant, seul son accent m’aura dépaysé de ma banlieue parisienne un instant lors de cette brève altercation. Cet individu aura-t-il seulement eu conscience qu’une bonne partie de son parcours effectué par la route ne faisait que longer, de près ou de loin, le doux tracé d’une ancienne ligne ferroviaire au charme certain aujourd’hui en bonne partie elle aussi recouverte d’asphalte ? De quoi en profiter pour méditer sur les choix opérés dans les transports en commun au fil des décennies, et les coûts réels des transports et des douteuses comparaisons entre modes selon ce qu’on y intègre…car comparer ce qui est comparable ne semble guère arranger tous les décisionnaires, en la matière.
C’est en fin de compte avec une dizaine de minutes de retard que nous arrivons en gare routière de Nîmes Centre, à près de 3 minutes à peine avant le départ de mon TGV que j’ai de justesse suite à un rapide filtrage d’accès aux quais et un empressement certain, conséquence triple du trafic en zone urbaine et de la signalisation, de la réactivité bien relative du chauffeur de car en ville et du retard engendré par le contrevenant lors de l’opération de contrôle à St-Hyppolite.
Emprises & dépendances – divers – voyageurs
Givrée
Au sujet des aléas climatiques sur les axes des lignes de l’ouest francilien du réseau Montparnasse, jeudi 18 janvier 2024
Si la neige n’est tombée que modérément dans la nuit, les annonces météorologiques ont cependant été claires, et le givre s’est fixé trop parfaitement sur les caténaires, dont la pluie verglaçante a renforcé l’action. Les premiers trains pairs du matin sur l’axe de Paris Montparnasse au Mans accusent déjà des retards conséquents à 06h00 : plus d’une heure par exemple pour la première banlieue en provenance de Rambouillet desservant théoriquement la gare de La Verrière à 04h54, plus d’une heure également pour les deux premiers TER suiveurs de l’extrême matinée respectivement en provenance de Chartres et du Mans, et un dégarage en travers de l’entrée/sortie du triage de Trappes, à cheval sur les voies d’accès au faisceau de stationnement et les voies principales, privant de fait la continuité de la 2 Bis, lui valant une tentative finalement réussie malgré les contraintes de retour en arrière suivant le parcours inverse de l’itinéraire existant, procédure incombant davantage à l’aiguilleur en service posté à La Verrière qu’au conducteur se « contentant » d’un ordre. Des retards liés aux difficultés de traction du jour s’accumulent par ailleurs du côté des axes de Plaisir/Dreux.
La première banlieue avançant péniblement et progressivement jusqu’aux Essarts le Roi, puis Coignières, puis La Verrière (vers 08h45 seulement), où elle sera rendue terminus, se verra qualifier par son conducteur de « train de l’enfer ». Le premier TER suiveur suivra, sur les coups de 09h00, terminus lui aussi à La Verrière, ces deux trains vidés de leurs voyageurs, les « hautes instances » préférant assurer la sécurité en s’évitant d’expédier la moindre circulation commerciale en direction de Paris comme dans le sens impair au risque de devoir évacuer leurs occupants en cas d’arrêt en pleine voie à cause des conditions météo rendant la traction électrique trop difficile (disjoncteurs impossibles à refermer en raison de l’épaisseur de la glace agissant comme isolant entre le fil de contact des caténaires et les pantographes) ; il est des fois où l’on apprécierait disposer de rames bimode…
En terme de communication, l’affichage et les annonces n’apportent pas toujours l’éclairage adéquat sur la situation, n’explicitant pas systématiquement l’origine du problème impliquant une réelle paralysie du trafic (du jamais vu, de mémoire personnelle d’usager), car communiquer sur les conditions climatiques difficiles ne peut se suffire au vu du peu de neige tombée, la cause bien réelle étant bien plus le givre formé autour des fils de cuivre des lignes aériennes de contact que l’épaisseur très relative du matelas neigeux du matin.
Une question givrée mais persistante s’impose alors aux plus observateurs : où sont les trains racleurs qui circulaient pourtant avant, dans le but d’éviter de tels dysfonctionnements ? La SNCF est bien toujours capable de faire circuler des trains laveurs lors des campagnes automnales (feuilles mortes), pourquoi diable n’y a-t-il pas eu de train racleur ce jour ? Souffririons-nous de problèmes d’effectifs, de disponibilités d’agents (et de leur bonne volonté), et/ou de moyens techniques défaillants ou insuffisants, ou encore d’un manque d’anticipation ?
En différents points des axes ferroviaires de cet ouest francilien (pour n’évoquer ici que ce secteur), des méthodes de dégivrage des caténaires sont progressivement mises en œuvre là où c’est envisageable, imposant par endroits l’abaissement des pantographes des trains arrêtés (il s’agit dans ce cas d’une méthode consistant à établir une boucle d’alimentation dans laquelle une forte intensité est maintenue, provoquant le réchauffement des caténaires, où du matériel (installation fixe de dégivrage) et du personnel (caténairistes) pour la surveillance du fil de contact sont nécessaires), en d’autres l’effacement d’une sous-station au profit de celle située en aval dans le sens de la circulation (il s’agit là d’une méthode consistant à appeler le courant par le premier engin moteur présent, provoquant le réchauffement des caténaires, sans matériel (autre qu’une circulation électrique) ni personnel complémentaire requis).
En cette matinée de semaine de mi janvier de cette nouvelle année, la section de ligne de Trappes/La Verrière à Rambouillet verra passer de 6 à 7 trains seulement en 6 heures, tous sens confondus, avant la reprise du trafic normal, après midi, suite aux constatations des circulations expédiées à vide en reconnaissance, après dégivrage en partie naturel.
Par ailleurs, les quais de gares de la ligne pas tous parfaitement déneigés (parfois partiellement) amèneraient les plus observateurs à une réflexion similaire à une question posée plus haut : souffririons-nous là aussi de problèmes d’effectifs, de disponibilités d’agents (et de leur bonne volonté), et/ou de moyens techniques défaillants ou insuffisants, ou encore d’un manque d’anticipation ? Vous avez 6 heures.